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Céramiste
Il
ressuscite les pavements médiévaux
A Laon le
céramiste Hubert Dufour façonne des répliques des carreaux de terre qui
pavaient les abbayes et les cathédrales médiévales. |
- En 2002, le sol de la chapelle Saint Jean Baptiste, au sein de la
cathédrale de Laon, va recevoir un dallage en harmonie avec son style
gothique. Ce pavement a été conçu dans le respect des techniques médiévales
par le céramiste Hubert Dufour. Les enfants des « classes de patrimoine »
lui ont prêté leur concours. Une façon originale d'inviter les scolaires à
retrousser leurs manches pour ressusciter les trésors du passé ! Au total,
l'artisan et ses élèves auront façonné cinq mille carreaux identiques à ceux
exhumés lors des fouilles de l'abbaye de Vauclair. Des ruines qui, peu à
peu, ont livré leurs secrets et leurs trésors.
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Réinventer le passé
« L'abbaye de vauclair, je l'ai découverte tout petit. J'étais déjà émerveillé.
Devenu géomètre, je rêvais de bifurquer vers un métier d'art. La rencontre avec
le père Courtois le sauveur de cette abbaye m'a incité à refaire des carreaux
d'après les motifs des Xle et Xlle siècles. > Aujourd'hui, Hubert Dufour est le
seul, en France, à restaurer des pavements médiévaux à l'identique.
L'artisan s'est fait alchimiste pour retrouver les secrets des mélanges de
terres et de la glaçure qui font la beauté de ces terres cuites. Les moines qui
ont mis en place ces techniques aux XI' et XII' siècles n'ont pas laissé
d'écrits. C'est donc à partir d'études archéologiques et d'essais empiriques
qu'Hubert Dufour a retrouvé les couleurs et le brillant d'origine. A tel point
qu'il est difficile de distinguer les pièces anciennes des carreaux neufs. « Les
moines les façonnaient dans une terre à brique, une argile dégraissée avec du
sable. Le mélange de terre, de chamotte et de sable était soigneusement dosé et
malaxé... » Seule concession au progrès, le gros malaxeur prépare la pâte pour
le céramiste alors qu'au Moyen Age la terre du tuilier était foulée aux pieds.
Pour le reste, tous les outils sont les mêmes que ceux des moines de l'an mille.
Lors des classes de patrimoine, l'artisan explique avec patience aux enfants
l'utilisation du moule à oreillettes, de la batte pour battre la terre ou de la
corne de vache qui sert d'entonnoir pour couler la barbotine de terre liquide. «
Ce sont les enfants qui moulent les carreaux dans une forme en chêne avant d'y
imprimer en creux les motifs. Ces dessins sont ensuite remplis d'une barbotine,
de terre liquide d'une couleur différente. La couleur de la terre crée en effet
le motif.>>
Des personnages fantastiques
Méticuleusement, l'artisan a sculpté dans du bois dunes
matrices qui reprennent les motifs d'un calpinage (un ensemble de carreaux)
original datant de 1220 qu'il a relevés à Vauclair. < Les dessins appartiennent
à des registres différents. On retrouve des végétaux rameaux fleuris, sarments
de vigne, des motifs géométriques faits d'entrelacs, de courbes et de droites,
des motifs architecturaux comme l'arcature brisée. Les motifs héraldiques comme
la fleur de lys, le griffon ailé, l'aigle impérial occupent une place
importante, ainsi que les motifs fantastiques comme un personnage du Jacques, un
hybride d'homme et de bête. A travers ces dessins, c'est tout l'imaginaire
médiéval qui est illustré. »Le mariage d'une terre blanche et d'une terre rouge
et la magie du feu permettent de décliner des carreaux monochromes, noirs ou
vert, et des carreaux en bichromie, jaune et rouge. Hubert Dufour livre
volontiers ses secrets : « La glaçure est obtenue par un trempage dans un
mélange de terre siliceuse et de sulfure de plomb. Le vert profond procède de
l'ajout d'oxyde de cuivre avant cuisson. Cette cuisson dure 23 heures avec une
température maximum de 1 000 °C, comme dans les fours des tuiliers installés sur
les chantiers des abbayes et cathédrales médiévales. Ce savoir faire lentement
élaboré dans son petit atelier de Laon a permis à l'artisan de préparer les
futurs sols de la chapelle de Bercy le sec, dans l'Aisne, et de faire un
pavement à l'abbaye de Saint Michel en Thiérache. S'il n'a pas endossé la bure
d'un moine cistercien, Hubert Dufour pratique, comme les artistes du Moyen Age,
le respect du bel ouvrage. Et grâce à ses dons de pédagogue, les enfants du XXI°
siècle peuvent se glisser dans la peau des compagnons bâtisseurs de cathédrales.
Hubert Dufour
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